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Critique

Où la philo mène

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La foire aux vanités: Elisabeth Badinter clôt son portrait de l'intellectuel des Lumières.
publié le 12 septembre 2002 à 0h57

Le XVIIIe siècle a inventé la figure de l'intellectuel. C'est l'histoire de cette affirmation progressive que nous raconte Elisabeth Badinter dans cette longue saga qui repose moins sur l'énorme littérature écrite par les historiens ­ un peu écrasante, d'ailleurs ­ que sur les très nombreux mémoires et correspondances rédigés par les femmes et hommes des Lumières. Cette impressionnante récolte de textes provenant de bibliothèques dispersées dans toute l'Europe lui donne la matière d'une chronique minutieuse et très vivante des menus faits qui ont rythmé le quotidien d'une vie intellectuelle d'autant plus portée à l'introspection que l'écrit tenait une place considérable dans les échanges. Cette somme est aussi une biographie collective car l'histoire qui intéresse Elisabeth Badinter est moins celle des oeuvres ou des idées que celle de leurs auteurs, ou plus exactement «celle de leurs stratégies, conscientes ou non, pour parvenir à leur but». Issus le plus souvent de milieu modeste (malgré quelques exceptions comme Montesquieu ou Helvétius), ou marginalisés par une origine douteuse (comme d'Alembert qui souffrit toute sa vie d'être le bâtard de Madame de Tencin qui l'a abandonné le jour de sa naissance), la plupart des intellectuels ont une revanche à prendre. Leur combat pour la science ou la philosophie est aussi une lutte pour acquérir un statut, source d'ambitions dévorantes et de rivalités souvent mesquines. Le portrait de groupe qui en résulte n'est pas à l'avantage de