A se réjouir de la dénonciation répétée de la hiérarchisation des sexes, à applaudir aux réformes qui la font vaciller, à souligner la réussite scolaire des filles et l'entrée des femmes dans les bastions masculins, à décliner la parité sur tous les tons, aurions-nous été incapables de voir que cette «égalité entre les sexes» est le nouvel habit sous lequel se travestit la domination masculine, renouvelée ? Françoise Héritier et Yvonne Knibiehler en sont toutes deux persuadées et leurs ouvrages ont tôt fait de nous convaincre : ils débusquent en effet les effets négatifs de l'adaptation ou de la persistance de ladite domination.Ê
L'anthropologue relie l'actuelle conviction africaine, selon laquelle les femmes, «au sang chaud», transmettent le sida alors que des relations sexuelles avec une impubère, «au sang froid» en guérirait (d'où le grand nombre de filles contaminées), à l'idée reçue, toujours vivace, d'une nature féminine impure et dangereuse. L'historienne constate, elle, que, passée l'euphorie de la libération sexuelle et du contrôle de la procréation, le sexe fait aujourd'hui à nouveau peur ; le corps des femmes est marchandise mondialisée, outil de guerre, voire objet de rite de passage viril pour les acteurs des «tournantes». Ces constats ont conduit les deux chercheuses à interroger leur domaine respectif pour tenter d'agir sur le présent : Françoise Héritier parle de «dissoudre la hiérarchie», Yvonne Knibiehler de «repenser la relation entre les sexes» ; les formu