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Interview

En belge dans le texte

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Rencontre avec Jean-Philippe Toussaint pour «Faire l'amour», effeuillé page après page.
publié le 19 septembre 2002 à 1h03

Bruxelles envoyé spécial

Lorsque nous nous sommes enfin retrouvés au café Belga à Bruxelles, qu'il nous a fallu rattraper l'heure perdue à tourner autour de la place Flagey, on a simplifié les questions : «Dites-moi tout». Jean-Philippe Toussaint n'a pas trouvé cela exagéré, il a sorti de sa poche une feuille pliée en quatre, et il a dit : «Voyez, tout est là». On pouvait y lire un bout de phrase recopiée page 102 de son second roman, Monsieur (Minuit, 1986) : «...encore qu'aux mots, il préférait la lumière». Il voulait dire qu'il y a trop de mots dans les livres, que ce qui compte ce sont les blancs, qu'il faudrait pouvoir écrire entre les lignes, tant de gens prétendent y lire, et que voilà, dans ce livre-ci il y a assez de lumière pour qu'on y voie clair. Bon, s'il veut jouer à ce petit jeu, ce n'est pas les citations qui manquent, à commencer par la première phrase du livre :

Page 11. «J'avais fait remplir un flacon d'acide chlorhydrique, et je le gardais sur moi en permanence, avec l'idée de le jeter un jour à la gueule de quelqu'un».

Après la Télévision (Minuit, 1997, ndlr), j'avais fait le tour des choses légères, j'avais besoin de quelque chose de plus acide, et plus corrosif, moins d'humour, un peu plus de Faulkner, de Dostoïevski, alors, je me suis pris au mot : la bouteille d'acide. C'est la première phrase que j'ai écrite, je ne savais pas encore que le livre se passerait au Japon, dans la première version je sortais (tiens voilà que je me prends pour mon narrateur