Un jeune médecin retour de la guerre d'Algérie, bientôt marié et installé, s'éprend d'une famille hongroise, le père et ses deux filles, installés à Bordeaux dans ce qui était naguère la pension Esterhazy. Où voudriez-vous que cela existe, sinon dans un roman d'Eric Holder ? Longtemps après les événements, le médecin, Claude, raconte son histoire à Eric, écrivain, célébrité locale. Le livre commence sur l'enterrement de Claude, Eric a fait rouler sa moto doucement, «pour ne pas qu'on m'entendît vrombir de loin», et il a coincé sa cravate noire «pour ne pas qu'elle s'envole», une préciosité redoublée un peu énervante.
Ferenczi Viktor (au début, Claude trouve drôle cette manière de se présenter, il ne sait pas que c'est hongrois) fait venir le médecin pour une bronchite, voici Ibolya, dont la beauté restera problématique, voilà Véra en compagnie de qui on verra qu'il rêva. Véra fait visiter, toiles de maîtres et Bösendorfer, vastitude glacée, puis le visiteur rédige son ordonnance, enfin «je lui parlai de la pension Esterhazy. Des pâtisseries qui avaient marqué au moins une génération de Bordelais, des officiers qui passaient par les fenêtres et des femmes au regard lointain».
Viktor Ferenczi vend des oeuvres d'art, avec ce que cela implique de trafic pas net, de mystères. L'argent va et vient dans cette maison, on jurerait que la famille est pauvre, mais Claude se voit offrir un chapeau, «une perfection du front à la nuque, à croire qu'elle avait toujours tenu ma tête entre ses