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Libération
Critique

La fille du boulanger

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La sensualité des jeunes filles, la brutalité et la naïveté des hommes, les merveilles cachées du quotidien. Gustavo Martin Garzo regarde le monde à hauteur d'enfant.
publié le 19 septembre 2002 à 1h03

Reme prend Isùma dans ses bras et l'envoie faire ses courses, elle le chatouille et le repousse, le nourrit et lui promet de l'épouser quand il sera plus grand qu'elle. «Il se peut que je t'attende, dit-elle à Isma, en lui mettant dans les mains une tartine de saindoux. En de pareils moments, Reme était semblable à un oiseau, astucieuse, défiante et rapace.»

Ismael a 6 ans, il est orphelin, habite chez sa tante Pilar, mais gravite comme une petite planète dans l'orbite de Reme. Remedios est la fille du boulanger, elle a 17 ans et a fait d'Isma son bébé, son chéri, son messager et l'héritier de ses secrets.

On entre dans le monde du Petit héritier à la fois immédiatement et avec lenteur ­ «Il faisait très chaud et l'eau de la rivière glissait doucement, huileuse, charriant des débris végétaux que le courant déposait sur les rives... Puis il y eut ce silence, tel que toute chose semblait dépourvue de voix... Il n'osait pas bouger. Il avait peur, s'il tendait la main dans sa direction, de ne pouvoir le toucher. Que rien de tout ce qui l'entourait ne fût réel» ­ et, de même qu'à chaque crise d'épilepsie, Isma a l'impression d'être amené dans une région où sa perception de la réalité est changée, de même le lecteur a le sentiment que le récit de Gustavo Martin Garzo l'emmène à la frontière du réel et de l'imaginaire, sans jamais la franchir.

«Elle plongea les mains dans sa chevelure, qu'elle venait de laver. Ses cheveux retombèrent en vagues sur ses épaules et son cou, et Isma s'att