Menu
Libération
Critique

Miami bitch

Article réservé aux abonnés
Guillermo Rosales, suicidé en 1993, rêvait de révolution : il la vomit dans un mouroir pour exilés cubains en Floride.
publié le 19 septembre 2002 à 1h03

Mon ange, c'est ce que dit Francine aux fous, aux malades et à l'adjoint alcoolique du directeur d'un asile sordide de Miami, lorsqu'ils la touchent, la caressent, ou lui pénètrent le sexe avec un doigt de pied (sale). Oui, mon ange. Bien, mon ange. Vas-y, mon ange. Elle le dit en tremblant, parce qu'elle a peur, parce qu'elle est folle, et parce qu'elle est trop sensible pour dire autre chose. Elle le dit aussi à William Figueras lorsqu'il fait mine de l'étrangler ou quand il la pénètre sans lui demander son avis. Si bien qu'il tombe amoureux d'elle et, dans cette décharge de corps et d'âmes, va rêver avec elle d'une autre, d'une vraie vie. Elle semble d'accord.

On appelle le lieu boarding home ­ littéralement : pension de famille. Les familles y placent leurs déchets. William Figueras est un écrivain cubain qui n'écrit plus, un fantôme sale et famélique issu des rêves insulaires trahis. Il entend des voix et prend des cachets. Une fois, il rêve que Fidel Castro, réfugié dans une maison blanche, lui crie : «Salaud ! Tu ne me feras pas bouger d'ici !» Le dictateur a perdu quelques dents, comme lui ­ et comme l'auteur, qui les avait fausses. Exilé, Figueras a d'abord rejoint sa famille américanisée. Prise dans son rêve petit-bourgeois, celle-ci le regarde avec l'horreur qu'on éprouve pour ce qu'on aurait pu devenir ; elle préfère s'en débarrasser ; une tante l'interne. Le voilà donc dedans, puisque dehors, «il n'y a plus rien à faire» ; plus rien pour lui. Dehors, il y a la ru