«Je suis le petit-fils de Gabriella Bruna, une complice de Jessie Loo pendant les années trente. Mon nom est Dondog Balbaiän. Je vais mourir. Voilà qui je suis.» Dondog est un Ybür. Il a survécu aux nettoyages ethniques pour se retrouver déporté pendant trente ans. Au seuil du livre, il vient d'être libéré et découvre ce qu'est devenu le monde. Le nouveau roman d'Antoine Volodine est un voyage au bout de la mort. L'ultime quête d'un homme à la recherche de lui-même et de ses tortionnairesÊquiÊl'ont condamné à devenir un gueux, un Untermensch, ou comme on dit dans l'argot des camps, une «blatte», un «chien» : Dondog.
Nul doute qu'à la fin, le lecteur pourra dire comme l'un des personnages : «Dondog m'a tuer.» Ouvrir ce roman, c'est faire l'expérience d'un monde où l'espace, le temps, l'identité même de ceux qui parlent sont frappés de suspicion. Un univers de récits emboîtés où, comme dans les rêves, chaque séquence glisse sur l'autre, frappée d'une obscure évidence et fascinante comme une énigme. C'est prodigieusement noir, beau, désespéré.
Dondog parle, il raconte les utopies. Les années trente, les lendemains qui chantent, la révolution mondiale, la fondation d'une cité égalitariste et harmonieuse. Mais «l'absurdité sanglante» a remplacé «la logique marxiste de l'Histoire». La Cité a basculé dans la répression et les pogroms, métamorphosée en chaos architectural où chaque immeuble est labyrinthe. Des dérivations sauvages ont perverti la lisibilité du monde, d'autres plus sec