«Nous n'avions pas besoin de comprendre tout ce que l'autre faisait ou disait, car nous ne pouvions pas nous empêcher de nous sourire quand nous nous apercevions. Je parle là d'une acceptation pleine et entière dont l'amour s'approche rarement. Adrian avait trouvé la clef de mon coeur barricadé et craintif et, avec lui, la légèreté a fait irruption dans ma vie. Pendant plusieurs années, il a été le chaînon manquant entre moi et le monde, l'instance médiatrice qui m'a permis de retomber sur mes pattes, si bien qu'il m'était possible de suivre et de participer sans avoir à me demander tout le temps comment mettre un pied devant l'autre. Peut-être souriais-je d'étonnement.» Jens Christian Grøndahl dit dans l'entretien ci-contre comment une telle relation a à voir avec son propre rapport au monde. Mais ce qu'il décrit n'est-il pas aussi la relation du lecteur au livre aimé ? On adore un roman et soudain le monde est à portée de coeur. Du fond de sa solitude personnelle, Jens Christian Grøndahl ne définit-il pas ce que devrait être la littérature ?
Premières phrases de Bruits du coeur : «J'ai reçu une lettre de mon plus vieil ami cinq jours après sa mort. Ce n'était pas une lettre d'adieu. Il a été victime d'une crise cardiaque pendant une partie de squash, à Manhattan. Je n'aurais pas cru que l'on puisse mourir ainsi, à notre âge.» Le narrateur et son ami Adrian ont 39 ans, un mauvais âge pour mourir. C'est dans l'enfance qu'ils furent amis, ensuite se sont plutôt perdus de vue