Dix-neuvième siècle. Frantz Boz est «parti de Vienne pour prouver que les Indiens de la North West Coast sont des nomades chinois venus à pieds depuis la Chine il y a des milliers d'années». A Vancouver, plutôt que de prouver quoi que ce soit, il échoue dans un bouge plein d'opium, l'un de «ces lieux particuliers, entre fumerie et bordel», où on se nourrit de vapeurs. Il y rencontre Isidore, mort-vivant sans âge, transparent d'avoir tant fumé, mais encore tout plein de son histoire. C'est la «Mort-Rouge» qu'il conte, sa lutte brûlante contre la variole. «La Mort-Rouge serait née le même jour que Mahomet. Des succubes, rendues fous par le massacre du prophète, l'auraient pétrie dans les boues de l'enfer.»
Isidore, et son père avant lui, ont erré dans les campagnes, suivis d'orphelins porteurs de l'antidote. «Nous étions les fers de lance d'une croisade laïque, issue des Lumières, les soldats de Jenner et Voltaire.» Ces vaccins vivants, «les Enfants Rouges, les crève-la-faim, les petits bandits», ont sur le bras les cloques doctoresses. C'est dans leur sang délibérément infecté que circule le remède. «Ce chapelet, je l'avais palpé cent fois sur les bras des Enfants Rouges. Les boutons blancs, minuscules flacons de peau, recelaient le plus précieux des élixirs : l'antidote de la variole.» Isidore, tout comme Franz, changera de continent, une douzaine d'orphelins sous le bras, pour venir en aide aux Indiens. «Putains, Indiens et enfants» sont le peuple de ce roman d'Elise Fontena