C'est une clinique, «la plus belle clinique du monde», le chat de la maison s'appelle Tranxène. On va s'en sortir. On va en sortir. En attendant, on va dormir. Dormir c'est mourir un peu. C'est aussi ne pas mourir, c'est survivre. Une jeune femme séjourne dans une clinique psychiatrique parce, dit-elle, «Ma coupe est pleine». Elle ne dit pas «ma coulpe est pleine», elle n'en n'est plus là, seulement dormir, s'enivrer de lenteur. Ne veiller que d'un oeil, dans la chambre 38, la dernière du bâtiment annexe, comme à l'abri de tout risque de contagion, concentrée sur son engourdissement qu'on saura bientôt être un chagrin, pourtant «quand un malade craque, quand cela se passe, il y a une tension qui resserre les murs, les innerve. Et parvient jusqu'à moi». Elle observe et décrit avec drôlerie et affection la vie alentie de l'établissement, les soignants, les soignés, les visites, s'amuse qu'on puisse les confondre. Ces portraits-là, touchants, indulgents et narquois, sont des portraits de passages, des bornes où s'accrocher pour trouver la sortie. Le corps et le coeur du livre sont ailleurs.
La narratrice est orpheline de père et de mère, sa jeune soeur Hélène, handicapée, a vécu dans un autre livre, les Chênes verts, il a plus de vingt ans, morte peu après, ça doit être ça cette coupe qui déborde. Comment faire tous ces deuils sans se perdre soi-même, sans ressentir aux jarrets le souffle de la faux ? Plutôt dormir. La phrase qui suit l'aveu «ma coupe est pleine» tente de la vid