Francfort-sur-le-Main
envoyée spéciale
Dans sa veste tachetée, sous une tignasse roux flamboyant, on dirait un fauve qui va et vient dans le petit box des auteurs sur le stand «Lituanie» de la Foire du livre de Francfort. «Je déteste ce tumulte, avoue Jurga Ivanauskaite, 41 ans, à voix basse, comme domptée. Mais j'ai besoin d'argent pour vivre». En Lituanie, le plus grand et le plus peuplé des trois Etats baltes, avec 3,5 millions d'habitants, Jurga Ivanauskaite est auteur de best-seller. En 1993, son roman Ragana ir lietus (tout juste traduit en allemand à l'occasion de cette Foire de Francfort) fit un scandale national : pour ses scènes érotiques, mais surtout parce que ses trois héroïnes ont l'audace de vouloir s'unir l'une avec un prêtre, l'autre avec un ermite du Moyen Age et la troisième, Marie-Madeleine, avec Jésus lui-même. Le scandale aidant (pendant quelques jours, le livre ne fut autorisé à la vente que dans un kiosque spécialisé dans la pornographie), Jurga Ivanauskaite a pulvérisé les records de vente dans ce petit pays où il suffit d'ordinaire de 6 000 exemplaires pour faire un best-seller. Ses sorcières affamées de sexe religieux ont été tirées à plus de 30 000 exemplaires. «Mais cela ne suffit pas à en vivre, constate-t-elle. En Lituanie, même les plus grands auteurs contemporains, même Jurgis Kuncinas ou Ricardas Gavelis (décédé en août dernier, ndlr) ne vivent pas de leurs livres». Elle-même multiplie les jobs : journaliste pour un magazine féminin, directric