Paul porte, rangés dans sa tête, des bocaux d'odeur et de goûts. De tristesses et de bonheurs. S'il ferme les yeux, en longeant le grillage gris, il sent ses souvenirs «prêts à dégainer», à lui fendre «chirurgicalement l'âme». Mais «ces poussières anciennes n'ont rien de viennoiseries proustiennes ; simplement, elles montrent du doigt le décalage entre la prison et la méprise». Car Paul vit à perpétuité à Arles. La prison centrale où est enfermé Jann-Marc Rouillan, ancien membre du groupe Action directe, condamné à vie, pour deux assassinats commis, au milieu des années 80, au nom de la «lutte anti-impérialiste».
Incarcéré depuis quinze ans, Jann-Marc Rouillan est, depuis peu, devenu écrivain. L'an dernier, il signait un récit très dur, Je hais les matins. Cette fois, pour dire sa rage de la condition carcérale, il nous offre un roman. Mélange cruel entre la réalité de la prison et l'histoire de Paul des Epinettes, braqueur estimé de ses camarades de détention, qui, dans les années 70, a été à la pointe des combats des prisonniers.
En fait, Rouillan a écrit deux livres en un. Car il lui faut commencer par raconter la prison. Et Paul n'est au début qu'un sympathique personnage. Menacé comme les autres par «la myxomatose panoptique», virus inventé par Rouillan et réservé aux détenus. Il combine la maladie mortelle des lapins et la sensation d'être sans cesse observé, surveillé par des yeux invisibles.
Ça y est, il l'a chopée ! Regarde ses yeux rouges, sa peau translucide ! Il