Ayant accédé au firmament de la célébrité, les héros littéraires se détachent de leur auteur, tombent dans le domaine public, deviennent le bien de tous. Dans les Plaisirs et les jours, Proust emprunte ainsi à Flaubert ses deux héros, Bouvard et Pécuchet. On reste là entre compatriotes, mais on se souvient qu'un auteur anglais s'est toqué du perroquet d'un autre ouvrage du même Flaubert. Semblable aventure se devait d'arriver aux Aventures du baron de Münchhausen. Rien d'étonnant à ce qu'un Russe, même avec un nom à consonance polonaise puisqu'il s'appelle Sigismund Krzyzanowski, ait songé à faire revenir ce héros de best-seller devenu populaire dans la Russie soviétique. Cela s'appelle le Retour de Münchhausen et c'est hilarant comme le texte modèle de Gottried August Bürger, traduit de l'anglais par Théophile Gautier fils (1).
Venu de Kiev, Krzyzanowski arrive à Moscou au début des années 20. Il écrit son livre en 1927. «Retour», le mot est juste, car le premier chapitre des aventures version Bürger s'intitule justement Voyage en Russie et à Saint-Pétersbourg. Mais Krzyzanowski commence, lui, son récit à Londres. Un retour aux sources, puisque c'est au bord de la Tamise que prennent naissance les aventures premières du baron sous la plume d'un certain Raspe. Ce dernier, savant de Hanovre et trafiquant d'objets d'art, fuyant l'adversité, emporta à Londres les souvenirs fantasmes d'un authentique Münchhausen. Il en fit un petit livre qui parut anonymement en 1785. Différentes