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Libération
Critique

Sombre conte de Fay

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Larry Brown suit pas à pas une femme à la fois forte et naïve, talonnée par le malheur.
publié le 31 octobre 2002 à 1h36

Larry Brown a fait faux bond il y a dix jours, au festival America de Vincennes. Dommage, on l'aurait volontiers entendu, par exemple sur le thème des «vies minuscules» aux côtés de Chris Offutt et Elwood Reid. Mais l'auteur du Mississipi est dit-on toujours plus réticent à s'éloigner ne serait-ce que quelques jours de ses terres... Au même moment, son cinquième roman nous entraîne dans le sillage d'une toute jeune femme qui n'a de cesse de bouger et d'aller voir si ailleurs l'herbe est plus verte, qui s'embarque une nuit dans une odyssée certes circonscrite à un Etat, mais d'Amérique, alors tout de suite l'affaire prend de l'ampleur.

Fay Jones est le premier personnage principal féminin de Larry Brown, connu jusqu'ici pour ses hommes cabossés par la solitude, la guerre, l'alcool, la violence, le chômage, la pauvreté, au point que de Sale boulot au recueil de nouvelles Dur comme l'amour, il s'est imposé comme le porte-voix humaniste du loser et du bouseux américain du Sud, du laissé-pour-compte aigri ou usé, qui ronge sa colère ou zone à longueur de journée dans son pick-up avant de finir en coma éthylique sur le seuil d'un bar. Reste qu'il y a toujours eu des femmes chez Larry Brown, généralement de sacrées pépées au caractère bien trempé, mais aussi des mères à demi-folles ou des soeurs capables de tuer, en tout cas des présences décisives ; et Fay s'inscrit dans cette lignée, puissante, influente, voire dévastatrice.

Fay Jones a 17 ans, on l'a déjà croisée dans Joe, où elle