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Libération
Critique

L'élue Marlène

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A travers les lettres d'Erich Maria Remarque à Marlène Dietrich, l'histoire d'amour très particulière entre «l'Ange bleu» et l'auteur d'«A l'Ouest, rien de nouveau».
publié le 7 novembre 2002 à 1h42

Quand un homme drague une femme en lui annonçant tout à trac : «Au fait, je voulais vous dire, je suis totalement impuissant», ça n'est pas banal. Quand la femme répond : «Mais c'est merveilleux, c'est un soulagement !», c'est encore moins banal. Et lorsque l'homme précise : «Mais quand on le désire, je peux naturellement être une charmante petite lesbienne», c'est une sorte de coup de grâce, la preuve en tout cas que les aventures de la sexualité sont infinies. Mais cette singularité prend des allures d'Olympe si l'on précise que ce dialogue amoureux, articulé à Venise en septembre 1937, implique deux dieux vivants de l'époque. Dans le rôle de la femme émerveillée : Marlène Dietrich. Dans celui de l'impuissant occasionnellement lesbienne : Erich Maria Remarque, auteur d'A l'ouest rien de nouveau, best-seller du XXe siècle. En 1937, Ils sont tous deux riches et célèbres, vagabonds de luxe bivouaquant dans les meilleurs palaces du monde quand ils ne trouvent pas aussi millionnaires qu'eux pour les héberger dans une «merveilleuse villa» de la Riviera.

C'est d'abord ce privilège qui les réunit. La scène de leur rencontre se situe à la terrasse de l'hôtel Excelsior, palace du lido de Venise, sous les yeux de Joseph von Sternberg, mentor autant que metteur en scène de Dietrich, de L'ange bleu à la Femme et le pantin qu'il venait de réaliser. La présence de «Jo» donne fatalement à ce contact des allures de plan cinématographique. Extérieur soir, l'homme s'approche de la femme en tr