La maison est minuscule, coincée entre des immeubles hauts où tous les soirs des petits employés rentrent du centre de Calcutta. Des fenêtres sans vitres, protégées par des barreaux, une terrasse de quatre mètres carrés fermée par une grille. On pousse la porte et on entre directement dans la chambre à coucher. Un bureau, deux chaises, des livres, un grand lit recouvert d'un joli tissu bleu, on peut à peine circuler. Au mur un néon, au plafond un ventilateur. Dans le fond, on devine une cuisine à peine éclairée. C'est la maison de Mahasweta Devi.
D'elle, à Calcutta, on parle un peu comme d'une mère Teresa autochtone, une sainte laïque qui aurait très mauvais caractère. Mahasweta Devi est une militante engagée depuis toujours dans la défense de «ceux à qui on ne rend jamais justice» : réfugiés du Bangladesh, «tribaux» ou victimes des émeutes du Gujarat. Elle est aussi l'auteur de cent romans, une vingtaine de recueils de nouvelles et autant d'essais. A 77 ans, elle est un des rares auteurs bengalis à être presque intégralement traduits en anglais et dans plusieurs langues indiennes.
Assise à son bureau, en sari de coton bleu et blanc, elle joue avec les cailloux qu'elle a ramassés sur les chemins et dans les rivières et qu'elle utilise comme presse-papier, et raconte comment, petite fille de Dacca (aujourd'hui au Bangladesh), elle écoutait sa grand-mère lui raconter la vie de Jeanne d'Arc, la jeune fille qui a bouté les Anglais hors de son pays. Une héroïne française connue jus