Imaginez, commence Amit Chaudhuri, que pour une raison quelconque, la seule littérature anglaise accessible au reste du monde se limite «aux oeuvres de Julian Barnes, Martin Amis, Fay Weldon, Angela Carter... Et qu'en revanche, on ignore totalement l'existence de Blake, Dickens et Lawrence». Voilà à peu près, conclut-il, ce qu'on sait de la littérature indienne.
Amit Chaudhuri est un écrivain indien, très connu dans son pays. Bengali d'origine, il écrit lui-même en anglais. Cette déclaration, extraite de sa préface à une anthologie du roman indien, désigne en fait deux problèmes qui alimentent des débats très chauds, virulents parfois, parmi les auteurs et éditeurs indiens.
D'abord, du roman indien, le lecteur étranger ne connaît que le roman en anglais. Souvent, il ne soupçonne même pas l'existence d'une immense production littéraire dans les autres langues indiennes, dites vernaculaires. Ensuite, de la littérature en anglais, il connaît essentiellement les auteurs de la diaspora ou ceux issus des milieux les plus occidentalisés, cette élite sociale qui a fait ses études à Oxford avant de revenir à Bombay ou à Delhi.
On pourrait dire que la question a émergé en 1980 avec la parution des Enfants de Minuit de Salman Rushdie, mais la véritable ouverture des hostilités a été marquée, en 1997, par le même Rushdie dans une autre anthologie du roman indien. Différence notable entre les deux. Sur 32 auteurs, Rushdie a choisi 31 anglophones. Sur 38 auteurs, Chaudhuri en a 18.
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