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Interview

L'auteur est un roman

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Jean-Benoît Puech est le premier lecteur de Benjamin Jordane, personnage d'écrivain qu'il a inventé. Rencontre avec un exégète sentimental.
publié le 14 novembre 2002 à 1h46

L'oeuvre de Jean-Benoît Puech tourne autour de la figure de l'auteur : l'Apprentissage du roman, Toute Ressemblance, Du vivant de l'auteur (Champ Vallon). Inventeur de l'écrivain imaginaire Benjamin Jordane auquel il consacre un nouveau texte, il propose simultanément une nouvelle version de son Voyage sentimental. Rencontre avec un écrivain et universitaire qui poursuit une double quête. Une élucidation personnelle qui lui fait dire : «J'écris, pour échapper à l'incomparable, pour devenir commun.» Un projet critique : construire après la célèbre «mort de l'auteur» du structuralisme, une «poétique de l'écrivain».

Votre travail gravite autour de la question de l'auteur, et vous signez vos livres de nombreux pseudonymes.

La plupart de mes livres sont attribués à un écrivain imaginaire : Benjamin Jordane. Je l'ai «rencontré» à la chambre de commerce d'Orléans où je travaillais, dans les années 70. Trois figures de l'auteur m'attiraient alors. Celle de l'«anti-écrivain», c'est-à-dire l'auteur extérieur à l'institution littéraire. C'est le génie sans oeuvre des romantiques et des symbolistes. L'auteur qui n'écrit que pour lui des Cahiers à la Monsieur Teste, et autres figures marginales d'inédistes. De cette communauté de solitaires, on n'évoque toujours que ceux qui se sont fait connaître, et qui ont donc échoué ! J'étais possédé par ce mythe paradoxal et il s'est incarné pour moi en Louis-René des Forêts. La seconde figure, c'est ce que je nomme «L'auteur comme oeuvre», l'écrivai