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Libération
Critique

La guerre à trois

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Dans un New York pétrifié par l'hiver, un avocat déchu, un flic au rencart et une pute camée se battent côte à côte pour une impossible rédemption.
publié le 14 novembre 2002 à 1h46

Drôle de ménage à trois : Kaplan, petit juif de Brooklyn devenu un grand ténor du barreau de New York, puant le fric, la frime et l'arrogance, aujourd'hui déchu, fatigué et fauché, plaqué par sa femme et son fils, que l'on pourrait croire au bout du rouleau ; Caleb, ex-flic, ex-poivrot, noir et obèse, viré avec fracas de la police pour avoir tabassé un délinquant minable ; et enfin Julia, prostituée et camée, blanche, voleuse aussi, dont son maquereau disait en lui payant un avocat : «Je rentrerai cinq fois dans mes frais avant que la pute soit usée.» Trio d'éclopés, de rescapés, que l'amitié fait tenir debout et se battre encore, durement au besoin, même si la vie les a fripés corps et âmes et semble avoir tatoué pour toujours sur leur front ce simple mot : losers. Trio atypique ­ trois amants asexués ­, dont le point commun est de chercher ensemble la fin de la nuit, la sortie du labyrinthe où les ont enfermé l'alcool et la drogue et, désormais, le chemin à peu près droit des honnêtes gens. Comme le dit Kaplan : «Aussi compétitif, têtu et antipathique que jamais, je ne me sentais bien qu'en compagnie de ceux qui, comme Caleb et Julia, avaient survécu, étaient tombés si bas qu'une légère inclinaison de l'esprit aurait suffi à les faire basculer dans l'oubli de tout. Qui, pour une raison ou une autre, avaient décidé de se battre pour revenir à la vie, pour se ressusciter eux-mêmes.»

Au début du roman, l'avocat ruiné s'emploie à retrouver sa place dans la jungle de la justice