Etrangement, c'est parce que l'Altération musicale de Bernard Sève et Membres fantômes de Peter Szendy sont bien deux livres de philosophes qu'ils débutent par une mise en cause de la philosophie, notamment de son incapacité à saisir ce qui se joue dans la musique depuis Pythagore. N'est-ce pas lui qui a affirmé le premier qu'on n'écoute pas la musique avec les oreilles mais avec la tête, puisque les sons musicaux se disposent selon des rapports mathématiques? On le sait, la philosophie a eu toujours maille à partir avec le corps humain. Or, ce corps mal-aimé et finalement évincé, oriente en revanche les démarches de Sève et Szendy, mais vers deux dimensions spéculaires quoique non opposées de l'expérience musicale. Dans l'Altération musicale, le corps éprouve la musique en tant que temps, temps musical certes, mais qui déborde sur tous les autres temps, et sur le temps de la vie lui-même. Dans Membres fantômes c'est plutôt l'espace, et plus généralement le processus de spatialisation (marqué à chaque étape par la fabrication et la multiplication de nouveaux organes, humains et techniques) qui sont évoqués pour montrer comment s'invente une distance de soi à soi, cet espacement que la musique creuse et comble à la fois. Né en 1951, Bernard Sève enseigne en khâgne au lycée Louis-le-Grand à Paris et a publié la Question philosophique de l'existence de Dieu (Puf, 1994). Peter Szendy, né en 1966, est maître de conférences en musicologie à l'université de Strasbourg. Conseiller
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publié le 14 novembre 2002 à 1h46
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