En février 1841, le ministre Georges Humann, self-made-man fortuné et solide technicien de la fiscalité, entreprend de rationaliser le vieil impôt sur les portes et les fenêtres, l'une des quatre contributions directes du pays. Il décide de profiter du recensement de la population prévu cette année-là pour procéder à un inventaire plus rigoureux des ouvertures, et confie la tâche non pas aux maires, souvent enclins à «oublier» telle ou telle fenêtre, mais aux agents du fisc. Persuadée que l'opération vise à faire «rendre» l'impôt et que les contrôleurs vont faire irruption dans les maisons, une large part du pays s'émeut. Le Midi surtout s'embrase, de l'Aquitaine au Languedoc. Attroupements, placards, huées se changent bientôt en rébellion ouverte, que la sonnerie du tocsin se charge de propager. Des percepteurs sont lapidés, des feux de joie s'élèvent sur lesquels on brûle des registres et des mannequins, des barricades se dressent. A Toulouse, une insurrection chasse les autorités de la ville, et de nombreuses petites communes entrent en dissidence. Le paroxysme a lieu à Clermont-Ferrand, le 9 septembre 1841, jour de foire. L'émeute, grossie des paysans des environs, converge vers la place de Jaude où l'on dévaste la maison du maire Conchon. Deux jours de combats laisseront une trentaine de cadavres sur le pavé.
Le premier mérite du livre de Jean-Claude Caron est d'abord de dresser la chronique minutieuse de cet Eté rouge, qui n'avait jusqu'ici fait l'objet que d'un article