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Libération

Eloge de la fêlure

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publié le 21 novembre 2002 à 1h51

«J'ai exigé beaucoup de mes émotions ­ cent vingt nouvelles. C'était cher payé, presque autant que Kipling, parce qu'il y avait, dans chaque histoire, une petite goutte de quelque chose qui n'était pas du sang, pas des larmes, pas de ma semence, mais de moi de façon plus intime encore, cette chose en plus qui m'appartenait. Tout est épuisé maintenant et je suis comme toi maintenant.

Autrefois la fiole était pleine ­ qu'importe le flacon aujourd'hui.

Attends, il reste encore une goutte. Non, ce n'était qu'un jeu de lumière.

Mais ta voix au téléphone. Si je n'avais pas abusé des mots, ce que tu as dit aurait pu évoquer quelque chose. Mais cent vingt nouvelles...»

Ces Carnets semblent conforter la mythologie littéraire et biographique autour de Francis Scott Fitzgerald, l'infernale vie de couple avec Zelda et sa folie, la fêlure dans la vie de l'écrivain qui lui rend l'écriture impossible. Né en 1896 et mort en 1940, l'auteur de Gatsby le magnifique et Tendre est la nuit, d'Un diamant gros comme le Ritz et des Enfants du jazz, le romancier et nouvelliste a tenu ces Carnets de 1932 à sa mort. Le texte intégral, paru aux Etats-Unis en 1972, était inédit en français. On y retrouve des phrases célèbres de Fitzgerald dont on ignorait la source précise, qu'elles concernent le mode de vie aux Etats-Unis («Il n'y a pas de second acte dans la vie des Américains») ou la technique littéraire («L'action est le personnage»). Les notations (conversations, anecdotes ou blagues) sont regroupées en