Le malaise est de mise face aux horreurs perpétrées, ailleurs, par les peuples au nom du droit de disposer d'eux-mêmes ou, ici, lorsque notre bon peuple à nous semble se déliter et manifester des opinions exécrables. Pour sauver l'idée, on s'en prend alors à ceux qui devraient l'incarner. Et si c'était plutôt le concept de peuple qu'il fallait mettre au placard ? Certes, ayant inauguré et supporté longtemps la modernité, il pourrait se prévaloir d'états de service intimidants, quoiqu'il ait pu être, un temps, secoué par la notion antagoniste de classe. Or, un philosophe italien hétérodoxe de 50 ans, Paolo Virno, pense qu'il faut passer à autre chose si l'on veut comprendre ce que promet le présent, et avance multitude, ancienne notion de la philosophie politique contre laquelle celle de peuple a été elle-même forgée. Mais sa Grammaire de la multitude n'a rien d'un exercice académique de généalogie des concepts. Bien au contraire, c'est «l'analyse des formes de vie contemporaines» qui intéresse Virno, ainsi que les nouvelles possibilités d'action politique qu'elles ouvrent. N'est-ce pas la multitude qui s'exprime dans certains mouvements no global ou altermondialistes ? En tout cas, Virno en esquisse la théorie et déploie une instrumentation conceptuelle des plus sophistiquées, où se croisent théorie politique, critique de l'économie, éthique, épistémologie et philosophie.
Spinoza fait de la multitude la clé de voûte des libertés civiles, définissant ainsi le Nombre ou la plur