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Libération
Critique

L'humour des lamentations

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Quarante-sept nouvelles d'un jeune Israélien, comme autant de petites bombes surprises, entre fou rire et désastre.
publié le 5 décembre 2002 à 2h01

Il y a bien assez de journalistes pour décrire le manège infernal qui tourne Israël en cadavre de bourrique. Etgar Keret, lui, est écrivain. Son problème n'est pas de décrire la réalité, mais de vivre dedans. Chaque jour, et à chaque phrase. Il a 35 ans. Il écrit des scénarios de bande dessinée et de courts textes tout en nerfs et en noir. La jeunesse sous bombes et démagogues s'y reconnaît. Certains illustrent le principe de cruauté décrit par le philosophe Clément Rosset : tout réalisme est cruel, en Israël plus qu'ailleurs. D'autres relèvent du fantastique quotidien, tendance Kafka. Ils ne sont pas moins cruels, mais ils sont plus drôles. D'autres enfin mélangent les deux veines. Tous racontent en quelques pages des histoires de gens qui étouffent, explosent ou implosent.

Leur vie ordinaire est perturbée par un petit grain de sable dont l'ombre, projetée sur la page de l'écrivain, devient montagne. Ou alors, les monstrueux petits détails de leur imagination entrent en action et deviennent des métaphores implicites, très condensées, d'une situation générale qui contamine tout, se glisse partout, sans être jamais directement évoquée. Chacune des 47 nouvelles de son nouveau recueil fonctionne donc comme une petite valve. Elle est d'un caoutchouc inattendu, très dur, provoquant tantôt le désastre, tantôt le fou rire, souvent les deux. C'est la petite valve du réalisme métaphorique par où s'échappe la pression.

On y trouve des rapprochements d'une brusquerie inattendue, comme se