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Libération

L'idiotie en 600 leçons

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publié le 5 décembre 2002 à 2h01

«On s'amuse à la veillée à se poser entre amis énigmes et charades. Seul Nasr Eddin, assis dans un coin, ne dit rien.

­ Hé, Hodja [selon l'édition, le mot se traduit «maître», ndlr] ! Toi aussi, tu dois connaître des devinettes. Pose-nous-en une, s'il te plaît.

­ Puisque vous y tenez... Qu'est-ce qui vit dans une basse-cour, a une crête sur la tête et fait Cocorico au lever du soleil ?

­ Un coq ! répond l'assistance d'une seule voix.

­ Vous avez perdu, c'est un poisson rouge.

­ Tu te moques de nous, Nasr Eddin. Un poisson, ça ne vit pas dans une basse-cour...

­ Pourquoi pas ? J'ai une pièce d'eau au milieu de la mienne !

­ Mais la crête ? Et puis tu as dit qu'il faisait Cocorico... Allez, Hodja, tu es mauvais perdant, avoue que c'est un coq !

­ Taisez-vous donc, ignorants ! s'impatiente Nasr Eddin. Si la réponse était un coq, ce ne serait pas une devinette.»

Si c'était un coq, ce ne serait pas de la littérature. Ce bref texte fait partie des à peu près six cents qui constitue le corpus de Nasr Eddin Hodja, ce volume regroupant «tout Nasr Eddin, ou presque», à savoir trois recueils différents, le principal qui lui donne son titre ainsi que Hautes sottises de Nasr Eddin Hodja et Divines insanités de Nasr Eddin Hodja. Nasr Eddin, originaire de Turquie, a vécu au treizième siècle. Il a d'abord été un héros de la tradition orale et beaucoup des histoires qui lui sont attribuées se déroulent après sa mort présumée, augmentant le mélange de vrai et de faux, de bonne et mauvaise foi qui cara