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Libération
Critique

Les arbres d'Auschwitz

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Joseph Bialot, auteur de polars, raconte son expérience des camps de la mort.
publié le 5 décembre 2002 à 2h01

Lui-même reconnaît l'accumulation des livres sur la déportation. «En vain. Tout le monde écoute ; personne n'entend. Peut-être l'horreur ne peut elle s'écrire qu'avec des hiéroglyphes non encore décryptés», écrit Joseph Bialot dans la préface de son témoignage. Mais la blessure toujours ouverte du survivant s'exprime là sur un ton distancié, grinçant et presque clinique . Pour avoir le regard clair il faut garder l'oeil sec. Il le dit autrement, répétant volontiers «péter de vie mais être mort dedans». Il le sait : «La mort vécue ne peut pas se raconter.» Cette plongée dans l'horreur d'Auschwitz-Birkenau a souvent la force du récit de Primo Levi. On ne s'échappe jamais des camps. Joseph Bialot y a perdu sa jeunesse et beaucoup de ses illusions, «pour avoir vu ce qu'aucun humain ne devrait jamais voir à l'âge où le rêve devrait dominer». Mais l'ancien gosse de Ménilmontant arrivé à Paris à six ans avec ses parents juifs polonais n'a rien perdu de sa gouaille dans ce récit resté enfoui en lui pendant plus d'un demi-siècle. Le déclic vint de quelques images à la télévision montrant les arbres dans le camp. Cela l'étonne et l'indigne. Dans son souvenir, il n'y avait pas d'arbre à Auschwitz, puis il se rappelle qu'ils étaient frêles, à peine plantés. Il en parle à une amie rescapée qui lui dit : «Que veux-tu, les arbres ont poussé après notre mort.»

Le récit s'ouvre par le picaresque voyage des rescapés au travers de la Pologne et de l'Ukraine, errants comme dans la Trêve de Primo