Au soir du 14 mai 1831, un pur-sang arabe blanc couvert de sang erre sans cavalier sur le champ de bataille de Daszow. L'armée du tsar vient d'y écraser les insurgés polonais. Le communiqué russe note que parmi les 1200 ennemis tués «se trouvaient le comte Rzewuski et Alexander Sobanski.» Ainsi finit ou commence la légende de l'Emir à la barbe d'or, «Tag el-Faher abd el-Nischaan, émir et cheikh des Anazehs de l'Alliance de l'Abouache de la montagne de Schamaan», né Waclaw Seweryn, comte Rzewuski. Agé de 54 ans, il a quitté son domaine de Sawran, en Podolie (Ukraine occidentale), sur les vastes steppes entre Kiev et Odessa à la tête d'une cavalerie cosaque. Il a laissé derrière lui une des plus vastes bibliothèques orientalistes d'Europe.
Et l'oeuvre de toute sa vie : un ouvrage monumental plus de 500 pages en 3 grands volumes de cuir rouge manuscrit et calligraphié de sa main, en français et en arabe, intitulé Sur les Chevaux Orientaux, et provenant des Races Orientales (sic). Il est publié pour la première fois, sous le titre Impressions d'Orient et d'Arabie, dans une édition coordonnée par Bernadette Lizet. Le lecteur qui s'y aventure plonge dans un «livre-monde», aussi inclassable, touffu et mystérieux qu'un coffre déniché au fond d'un grenier, dont on tire en vrac verroterie, grimoires poussiéreux, objets de bric et de broc, vrais joyaux et poèmes, cartes aux trésors disparus et peut-être seulement rêvés. On a affaire à un traité savant, modelé sur les livres de f