C'est un ouvrage mixte, comme on le dit des cargos, qu'a conçu Robert Guyon. D'un côté, un beau livre qui ravira les nostalgiques, réels ou par procuration, des grandes traversées maritimes dans la première moitié du siècle dernier. Photos, affiches, menus, billets, notes de bar, fiches techniques : de l'Almeda Star au Zeelandia en passant par le D'Artagnan, le Malte ou le Titanic, Echos du bastingage croise le sillage de près de quarante-cinq navires célèbres ou obscurs.
Mais un autre livre, plus érudit et plus littéraire, est contenu dans le premier : le recensement complet des «Bateaux de Blaise Cendrars» c'est le sous-titre. On pourrait croire qu'il suffit d'additionner les navires effectivement empruntés par le poète (par exemple le Normandie dont il couvre le voyage inaugural pour Paris-Soir en 1935) et ceux mentionnés dans ses livres. C'est beaucoup plus complexe, Cendrars ayant toute sa vie brouillé les pistes. Lui-même poète et voyageur, Guyon relève trois catégories de bateaux : les réels, les camouflés et les fantômes. Et esquisse une hypothèse : les bateaux de Cendrars renvoient aux trois phénomènes décrits par Freud dans sa théorie du rêve déplacement (inversion de nom ou de date), condensation (deux voyages ou deux bateaux fondus en un) et symbolisation (sens «caché» du nom du bateau ou du capitaine). Il relève aussi deux cas curieux de prochronie : dans des récits écrits en 1937, Cendrars raconte des traversée effectuées dans les années 20 à bord de l'Ile-d