C'est lorsque le souffle se fait court, à monter un escalier, lorsque l'asthme déchire les poumons, qu'on réalise combien il est miraculeux qu'en général on respire bien. De même, on s'effraie davantage d'être à l'occasion «hors de soi», de «sortir de ses gonds», de «ne pas être le même», qu'on ne s'étonne d'être soi, de «ne faire qu'un». Il est vrai que parfois tous les affluents de la vie, toutes ses vicissitudes confluent aisément dans une «conscience de soi», parce que la vie a poursuivi rectiligne un même dessein, a été monotone ou a su esquiver les grands écarts ou l'exil d'elle-même. Lorsque ce n'est pas le cas, lorsqu'elle s'est apparemment éparpillée en mille aventures, alors la quête de soi ce noyau opaque que pointent les questions de l'adolescence: qui suis-je en réalité? qui est cet être que je vois dans le miroir? devient plus difficile, et plus passionnante. Elle exige qu'on redessine à l'envers l'arbre de sa vie, des fleurs à peine écloses jusqu'aux racines ancestrales, requiert une anamnèse, un «retour à l'origine».
Chez Jacques Brosse, ce Retour à l'origine (titre de son dernier livre) est une réelle nécessité. Parce que sa vie est une véritable voie lactée, un essaim d'expériences diversifiées. Et parce que de la quête de soi il a fait son «métier», sa bannière et peut-être sa croix. On ne saurait vraiment pas dire, de l'extérieur, «qui est» Jacques Brosse. L'intellectuel dont l'oeuvre, comme celle de Claude Lévi-Strauss, de Jorge Amado, Norbert Elias o