Pétrovitch, le narrateur d'Underground ou Un héros de notre temps, est un homme qui, au début du roman, soit l'époque où Gorbatchev arrive au pouvoir, a «un demi-siècle et quatre ans.» Il dit ne plus écrire (sous Brejnev, dans les années de l'underground, il était l'une des multiples figures moscovites de l'art non officiel, célèbre pour ses expositions en appartements, sa circulation de romans tapés à la machine sur papier pelucheux, etc.), ce qui ne l'a pas empêché sa vie durant de porter sa machine à écrire sur son dos, une yougoslave qui cédera la place à une Underwood. Pétrovitch est un héros de fiction, mais c'est, à sa manière, un héros de l'Union soviétique, son identité synthétique mais plausible. Vladimir Makanine, l'homme qui écrit ce livre sur un ordinateur, a le même âge que son héros, un de ses amis, écrivain de l'underground, possédait une machine yougoslave, lui tapait sur une Underwood, et, comme Pétrovitch, il la portait aussi dans un sac à dos : «On finit par avoir les mains musclées après plus de vingt ans passés à taper à la machine et aussi à la transporter, à la recherche d'un abri, à travers la ville», écrit l'un avec la main de l'autre. Arrêtons là la comparaison. Vladimir Makanine est un écrivain connu avec nom et prénom, tandis que son héros en est réduit à son patronyme, Pétrovitch (fils de Piotr), ce qui le renvoie à un anonymat qui lui sied.
Le syndrome Dostoïevski
Pétrovitch dit être un «raté», un «rebut de la société», s'enorgueillit d'être un «