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Libération
Critique

Decour toujours

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Réédition d'un grand oublié des lettres françaises, dont l'oeuvre avait été occultée par la figure du martyr communiste de la Résistance.
publié le 16 janvier 2003 à 21h50

Pour la plupart des Parisiens, Jacques Decour est le nom d'un lycée. Pour les amateurs d'histoire et les plus anciens, c'est celui d'un résistant communiste de 32 ans qui fut exécuté par les Allemands le 30 mai 1942 ; raison pour laquelle l'ancien lycée Rollin, où Decour enseignait quand il fut arrêté, porte désormais son nom. Pour les amateurs de généalogie littéraire, c'est un ami de Jean Paulhan, qui appréciait son talent et le publia, mais aussi le fondateur des Lettres françaises. La revue résistante, créée en 1942, devint célèbre sous la direction d'Aragon. Beaucoup ignorent que Decour en fut la cheville créatrice, avec Jean Paulhan et quelques autres ; et qu'il était seul à posséder les textes du premier numéro, qui ne furent jamais retrouvés, au moment de son arrestation. Enfin, très rares sont ceux qui savent qu'en fusillant ce jeune professeur d'allemand, les nazis ont tué un bon écrivain, qui progressait dans la galaxie de la Nouvelle Revue française (NRF), dirigée depuis 1935 par Paulhan. La figure édifiante du héros, alimentée par le Parti communiste, dissimule l'oeuvre nécessairement plus autonome de l'auteur : la grande statue sert de presse-livres.

A sa mort, deux romans d'apprentissage, un récit d'une rare lucidité sur l'Allemagne des années trente, deux excellentes nouvelles et une série d'articles politiques et littéraires avaient été publiés chez Gallimard, dans la revue NRF ou dans la revue Commune. Les éditions Farrago-Léo Scheer en débutent l'exhumation