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Critique

Minkowski, droit d'asile

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Les «Ecrits cliniques» d'Eugène Minkowski (1885-1972), l'un des pères de la psychiatrie française, qui donna la première approche sérieuse de la schizophrénie.
publié le 16 janvier 2003 à 21h50

Pour Maurice Merleau-Ponty, il était le pionnier en France de la phénoménologie. Henri Ey, qui occupe en psychiatrie la place «refondatrice» qui est celle qu'en psychanalyse occupe Jacques Lacan, voyait en lui son «grand frère». Lacan lui-même a qualifié d'«exceptionnelle» une oeuvre qui a tant compté dans sa formation. Et Ronald D. Laing, l'un des «papes» de l'antipsychiatrie, l'a placé au plus haut, tout comme l'a fait Franco Basaglia, pour avoir été le premier, dans l'approche de la maladie mentale, à faire la plus sérieuse tentative de «reconstruction de l'expérience vécue de l'autre». Pourtant, il y a encore une dizaine d'années, les voix de certains de ses élèves, notamment celle de Charles Lanteri-Laura, se sont levées pour dénoncer l'oubli dans lequel on laissait tomber Eugène Minkowski.

La parution des Ecrits cliniques d'Eugène Minkowski, faisant suite à la récente réédition de ses principaux ouvrages (1), participe assurément à la «réhabilitation» de «l'un des plus grands psychiatres francophones du XXe siècle» et permet de redécouvrir d'abord un grand bonhomme puis une oeuvre sans laquelle ce qui se dit aujourd'hui de la maladie mentale et de la schizophrénie ne serait pas dit de façon aussi articulée et «humaine».

Eugeniusz Minkowski vient d'une vieille famille juive lituanienne, originaire de la région de Bydgoszcz, dont un ancêtre avait été anobli par le roi Wladislaw Jagiello au début du XVe siècle. Il naît le 17 avril 1885 à Saint-Pétersbourg, où son père Augus