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Libération

Vies innocentes

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publié le 16 janvier 2003 à 21h50

Nulle magie, à part celle de l'écriture, dans ces Sortilèges et maléfices, sept nouvelles aujourd'hui traduites de Georges Vizyinos, Grec né en Turquie dans une famille pauvre qu'il quittera vite en 1849 et mort près d'Athènes en 1896. «Mais qui diable est ce bonhomme un peu exalté et pompeux qui aime à déclamer ses vers en public ?» écrit Gilles Decorvet dans sa préface. «Un original ? Un toqué ? Un philosophe ? Un poète ? Un psychologue ? Un professeur ? Un chercheur d'or ? Un amoureux de très jeunes filles ? Un dément ? Un frustré ? Un enragé ? Il est tout cela sans doute, mais il est plus encore.» L'ancien apprenti tailleur et ancien servant de l'archevêque de Chypre est surtout un écrivain qui subira la magie noire de l'écriture.

Quand le narrateur des «Séquelles des amours anciennes» se voit proposer d'être présenté au directeur de l'asile, il écrit : «Mon sang, je ne sais pourquoi, ne fit qu'un tour. Ces paroles, la courtoisie avec laquelle elles étaient prononcées, m'inspirèrent un soupçon étrange ; une terreur indicible me noua la langue. Qu'ai-je à faire, moi, avec le directeur de l'asile d'aliénés ? Est-ce à dire que je ne souffre pas uniquement de la poitrine ? C'est la pensée qui me vint aussitôt, et je songeai qu'il eût mieux valu que le portier ne m'eût jamais permis d'entrer dans l'hospice !»La chronologie de Georges Vizyinos, en fin de volume, évoque ces «phrases prémonitoires» et signale pour le 14 avril 1892 : «Craignant qu'il ne refuse cette mesure d'inter