A la fin du tome III de son Journal, Fabrice Neaud prend le train pour Bayonne. Après quelques heures de voyage, un homme se suicide sur la voie. Le regard vide et maladif, Neaud scrute les rails par la fenêtre du dernier wagon, à la recherche des morceaux. Bayonne est en pleine fête basque. Il s'y noie dès son arrivée, le regard embué par la fête, l'alcool, les jeux de force, la musique. Les hommes surtout, et leur virilité. Neaud rêve d'un orgasme sans fin en détaillant les corps sous les maillots étroits et les «shorts à bretelles torse nu, tellement sexe qu'(il) en éjaculerais-là, sur leur menton rapeux». Imaginant se faire passer dessus «par tout ce tournoi des Cinq Nations», il s'interroge : «Comment suis-je devenu un confetti cosmique ?».
Le tome IV débute six heures après la fin du tome III, au Pays basque : des pages entières de paysages rocailleux ou arborés dont la glèbe fraîche colle aux semelles du dessinateur-randonneur. Conquis par cette vision d'une nature rugueuse, Neaud en profite pour discourir sur la notion de terre d'attache alors que sa Charente- Maritime natale lui semble bien fade et inféconde. S'ouvrent plus de deux cents pages en noir et blanc et aux traits fins et impeccables, sublimes, cocasses, et tourmentées, par moments aussi agaçantes que les feuilles d'un Guillaume Dustan ou d'un Renaud Camus, où domine ce parti pris d'une narration quasi naturaliste et antifictionnelle, objectivée par la plume et les mots de l'auteur. Depuis bientôt dix année