Dire que, au pays du Matin calme, on aime la BD tient de la litote : 9 000 titres par an. Comparé à la France, un des plus gros marchés d'Europe occidentale avec ses 1 800 titres, cela laisse songeur. C'est qu'il existe en Corée une spécificité qui n'est probablement pas sans rapport avec la circulation des albums et l'engouement qu'ils suscitent : les quelque 4 000 manhwabang, «salons de BD». En fait, des bibliothèques de prêt payant en moyenne 1 200 won de l'heure (1 Û) , dont certaines sont ouvertes vingt-quatre heures sur vingt-quatre et comprennent jusqu'à 50 000 volumes. Lieux de convivialité, on peut y grignoter de la seiche ou du poisson grillé.
C'est à la fin de la guerre de Corée en 1953 que fleurissent les manhwabang. Dans un pays exsangue, le prêt ou la location à bas prix deviennent le principal accès aux bandes dessinées. Le manhwa étymologiquement «dessin burlesque» en chinois, comme manga en japonais n'a attendu ni «Candie-Candie» la collégienne à couettes, ni l'homme-robot «Mazingga-Z» (Goldorak), pour trouver son public. Les jeunes lisaient des manga «made in Japan» piratés avant la levée de l'embargo sur les produits culturels nippons, partielle puis nettement accélérée depuis les années 80. Toutefois, le manhwa coréen ne se cantonne pas à la sphère d'influence de son puissant voisin et ancien colonisateur. Cho Soomi, traductrice de 33 ans, se souvient de personnages de BD bien coréens : l'idole des enfants, Agi Kongryong Tuli le bébé dinosaure de Ki