Il n'est pas douteux que Jacques Derrida soit un peu voyou. Non que dans Derrida, le film de Kirby Dick et Amy Ziering Kofman qui, dit-on, fait un tabac en Californie, le philosophe joue la canaille ou le mauvais garçon. Sa voyouterie, revendiquée, tient à sa démarche, à sa façon de prendre en otage le lecteur, de le ligoter avec toutes les ficelles du langage et de la rhétorique, de proprement le séduire, comme les sirènes voulaient enchanter Ulysse ou le renard aguicher Pinocchio, pour le conduire, après mille tours et détours, en ignorant tous les raccourcis, par des passages escarpés et des traversées funambulesques, là où il veut là où, quand le détournement prend fin, on ne regrette pas, il est vrai, d'être allé. Depuis quelques années, c'est à partir de ses interventions publiques, ses discours, ses allocutions, ses conférences surtout qu'il construit ses livres. Il a inventé, ce faisant, un genre nouveau : l'ouvrage non élagué, qui laisse voir les sédimentations, les strates, les traces, les méandres de son élaboration, fait apparaître sa propre dissémination. Derrida n'a-t-il pas appris à la pensée contemporaine à interroger le texte écrit de la métaphysique à partir de ce qui, en lui, la déborde et fait «craquer son sens» ? Rien d'étonnant donc à ce qu'il fasse travailler ses propres textes à partir du même «débord», en utilisant ce qui lui sied le mieux, à savoir la conférence, laquelle «porte ensemble», emporte en un seul mouvement le locuteur et l'auditeur, co
Critique
En raison du plus fort
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par Robert Maggiori
publié le 6 février 2003 à 22h08
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