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Libération
Critique

Il en fait des tomes

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Polygraphe picaresque , Jack-Alain Léger, sous son nom ou sous un autre, joue au massacre avec les dialogues et l'invective. «On en est là».
publié le 6 février 2003 à 22h08

Sous un nom ou un autre, Jack-Alain Léger est un poids plume masochiste et sanguin. Il crie, bouge, insulte, attaque, mord l'oreille, donne des coups hauts et bas, prend des pseudonymes ou des masques, comme les catcheurs. Il agresse le monde de la représentation, politiciens, auteurs, critiques, télé-troncs, démagogues de tous acabits. Il se venge des éditeurs qui le rejettent et qu'il énerve. L'encre lui monte à la tête et accélère son rythme verbal. Son combat littéraire vise autant à jouir des crochets qu'il donne qu'à souffrir de ceux qu'il reçoit : comme un boxeur qui, après avoir encaissé, ferait devant miroir l'inventaire de ses cocards et ses plaies, pour s'en délecter et les décrire sans fin. Résultat: tout lui fait phrase.

Son nouvel égo-pamphlet, On en est là, le réinstalle sur un ring éditorial qu'il n'a jamais quitté et où il aime mettre en scène sa prolixité et ses pérégrinations : Léger rappelle dans la rubrique «du même auteur» qu'il a publié, sous quatre pseudonymes, 34 livres en trente-quatre ans, dont deux annoncés comme «inédits», plus quatre «à paraître» et un «impubliable», son invisible et peut-être fantasmatique brûlot, Gens de lettres et de maison. Le bandeau représente une gravure de l'Enfer de Dante par Gustave Doré. L'enfer, c'est les autres dans ce monde-ci : les politiques menteurs et désactivés, les poujadistes qui en profitent, les captifs volontaires du zoo humain télévisé, la sous-culture de masse écrasant les vraies oeuvres et aliénant les