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Libération
Critique

Bâton de Bergé

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Giono, Cocteau, Vilmorin, Aragon, Mitterrand... L' ex-PDG d'Yves Saint Laurent aime admirer avec sévérité.
publié le 13 février 2003 à 22h14

Le titre n'est pas ce que l'on préfère dans le récit de Pierre Bergé, Les jours s'en vont je demeure. D'ailleurs, il n'est pas de lui. Ce n'est pas un mauvais titre, il est d'un grand poète et il sonne comme cet aphorisme de Daniel Prévost, «le temps passe les oeufs durent», et, sur le fond, on ne saurait reprocher à Pierre Bergé de prétendre que les jours s'en vont ni d'être l'un des rares survivants de son livre (avec Garry Davis et Yves Saint Laurent qui en est le dédicataire). Non, ce n'est pas le titre qu'on préfère, pour la bonne raison qu'on préfère la suite, un texte qui force le respect et interdit cette question qu'on entend : alors, ça parle de quoi, le livre de Bergé ? Le livre de Pierre Bergé ne parle pas, il relève de l'art d'écrire.

Deux douzaines de portraits dont les plus brefs sont réunis dans la seconde partie sous le joli mot de spicilège que mérite tout le livre, il signifie en latin «glanage», mot à mot «relier des épis», et en français anthologie. Dans son avant-propos, à l'ombre de Cocteau, Bergé accepte l'idée qu'en brossant le portrait des autres il esquisse le sien, mais il n'y croit guère, et les phrases qui suivent dise le vrai : «Je n'ai pas goût de me raconter. La confession ne fait pas partie de mon quotidien et les aveux me dérangent», le vrai et le ton : on sent bien que Pierre Bergé n'aime pas être dérangé. Il aime aimer, il aime admirer. Il aime admirer sévèrement.

L'admiration sévère est une qualité rare, elle réclame lucidité et intelligen