«Je n'ai pas l'air d'un Australien typique ou du moins l'idée qu'on peut s'en faire», énonce placidement Robert Dessaix. Et il est vrai qu'on aurait du mal à l'associer à la bière, au surf, à la chasse au kangourou ou tout autre cliché océanien. Cheveu ras et blanc, oeil bleu et perçant, gestes lents et délicats, port de dandy, on a affaire à un gentleman d'une autre époque. L'auteur, né à Sydney en 1944, s'est, dès le plus jeune âge, intéressé aux langues étrangères : «Une façon d'échapper à la brutalité du réel, comme un système d'autodéfense.» D'abord le français («mon nom est d'origine savoyarde»), puis le russe qu'il étudie à l'université, à Canberra et à Moscou (sa thèse de doctorat portait sur Tourgueniev). Petit, il s'était même inventé une langue. «Ce qui n'est pas rare chez les enfants, ce qui l'est plus c'est qu'elle ait eu une syntaxe et une morphologie relativement complexes et qu'elle n'ait été partagée avec personne d'autre que moi. D'ailleurs, je la pratique encore.»
Est-ce cette langue qu'il traduit directement dans ses livres ? Une mère et sa honte (Le Reflet, 1999) racontait le chemin qui mène un fils adoptif jusqu'à sa mère «de sang», Night letters (même éditeur, 2001) le vagabondage à Venise d'un homme atteint d'une maladie incurable. Chez Dessaix, je n'est généralement pas un autre. Avec Corfou, l'auteur australien reprend la route. Tout livre n'est-il pas pour lui relation de voyage ? Une manière d'odyssée. Mais dans le sens du poème de Cavafy : «Souhai