Note pour une histoire littéraire à venir : peut-être que, tout comme le romantisme allemand dut traverser la montagne (Lenz, Winterreise), notre génération mondialisée aura pour figure obligée le tueur en série et un non-lieu : son errance (Lost highway, Roberto Succo). Et si les bois ténébreux étaient le locus terribilis où le héros rencontrait sa propre folie et la mort, peut-être l'autoroute, la voie rapide sera-t-elle pour nous cette même métaphore de l'autodissolution. De toute façon, le héros de Voie express finit quand même par atterrir dans la forêt, s'enfoncer avec ses victimes dans des boyaux, caves, toujours plus sous terre, plus subconscient, et par y faire disparaître leur disparition même, car ce psychopathe, au lieu de tuer les femmes qu'il enlève ou de leur coudre des rats dans le vagin, les relâche sans les avoir touchées : «La forêt se distingue dans la nuit pas encore entièrement tombée. Debout, jambes écartées, les mains dans la ceinture, je la regarde partir dans la forêt. Elle titube dans son short et cherche l'orée. Elle titube.»
Déjà dans Planche et Razac (1999), à peine deux personnages, deux silhouettes, assommaient les gens pour les livrer à un savant que l'on pouvait supposer vivisecteur fou mais sans que jamais le roman le décidât vraiment. Voie express nous laisse dans la même irrésolution, dans la tension pure, avec un «Philippe Gué», professeur d'histoire-géo qui chasse ses proies à la petite annonce (il cherche une initiatrice à la dissection