Pour Claudio Magris romancier, professeur de littérature allemande, né en 1939 à Trieste, autant dire sur la frontière qui, pendant un demi-siècle, a douloureusement coupé en deux cette Mitteleuropa dont il est l'un des grands spécialistes , voyager et lire sont inextricablement liés. Au sens où le regard sur les lieux et les hommes est aiguisé, orienté et comme instruit par les livres qui l'accompagnent ou qu'il a lus autrefois et, plus fondamentalement, parce que ses oeuvres mêmes, surtout ses romans, sont faits de la matière de ses voyages. Ainsi, Danube n'est-il autre chose que la réécriture des carnets noircis au cours des ses innombrables flâneries tout au long du grand fleuve. De même, dans Microcosmes, les personnes rencontrées, les choses vues, les histoires recueillies en chemin ont été reracontées jusqu'à qu'elles prennent la consistance de l'imaginaire. Cela n'est pas le cas de Déplacements, un recueil de textes de voyage vécus et écrits entre 1981 et 2001 et livrés en l'état au lecteur.
Tout voyage est un retour, depuis que l'Odyssée a célébré les noces de la littérature occidentale naissante et du voyage, quoiqu'un tel retour, rappelle Claudio Magris, soit toujours problématique, comme il l'avait montré dans Ithaque et au-delà, paru il y a un quart de siècle. Magris est tout de même revenu sur une bonne partie des lieux dont parle Déplacements. Il l'a fait en compagnie du photographe Danilo De Marco (à qui reviennent le plus grand nombre de photos qu'illustre