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Libération
Critique

Le début de la faim

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Vivre ou se laisser mourir? Pendant le siège de Leningrad, la vie quotidienne d'une famille exsangue .
publié le 20 février 2003 à 22h27

Au début, la lumière de l'été inonde «chaque grain de la pierre de Leningrad comme chaque parcelle de leur corps». Plus tard, au coeur de l'hiver russe, Anna rêve de l'étal du marché «chargé de choux, de sarrasin, de saindoux... Les pommes de terre sont belles, leur chair ferme, jaune... Le miel est en rayon, sa cire intacte. Les gros choux aux coeurs craquants sont empilés comme des chrysanthèmes, verts et bleu violacé». La Faim, d'Helen Dunmore, nous fait voir la force et la beauté hallucinatoires des fruits et des légumes de l'été dans les pensées ralenties et décolorées de ceux qui sont piégés par le froid et la faim. Nous montre aussi l'hésitation quand il faut décider de continuer à vivre ou de se laisser mourir. La Faim se passe en 1941, pendant le siège de Leningrad. Le siège a duré 900 jours et fait un million de morts. Le roman ressemble à une expérience en conditions extrêmes ­ comment une cellule familiale survit-elle dans une ville qui se désintègre ? ­ et sa force vient de ce qu'il raconte une tragédie collective d'un point de vue périphérique.

Au début, la guerre est encore présente, la vie sociale aussi. Le père part se battre, les blessés arrivent dans les hôpitaux, on entend l'artillerie allemande. La jeune Anna sort acheter du pain pour son petit frère et offre un thé à la voisine qui vient d'avoir un bébé. Au fil des semaines, la température descend, la Neva gèle, la vie se fige. Le père revient blessé et se couche, les légumes disparaissent des marchés, l