Longtemps, les historiens modernes du Moyen Age ont emboîté le pas de leurs prédécesseurs, et même trouvé de nouveaux arguments, pour souligner l'extraordinaire intérêt de l'Opusculum de conversione sua, un texte latin du XIIe siècle relatant, sous forme d'autobiographie, la conversion d'un juif au christianisme. Puis, patatras, un excellent historien israélien, Avrom Saltam, est venu affirmer, en 1988, non seulement que cet Opusculum relevait entièrement de la fiction, bref que c'était un faux, mais que Hermann le juif, tenu jusqu'alors pour protagoniste et auteur de ce manuscrit sûrement rédigé dans un couvent de la vallée du Rhin non loin de Cologne n'avait jamais existé. Perplexe face à la tournure prise par le débat, et conscient de l'importance des enjeux historiographiques, Jean-Claude Schmitt lui consacre La Conversion d'Hermann le juif. Autobiographie, histoire et fiction dans lequel il propose une «troisième voie» interprétative, à égale distance de tenants de la vérité à tout crin comme des militants de l'inauthenticité foncière d'une source dont personne ne méconnaît l'importance : «L'histoire est bien relative au contexte historique de son écriture, elle est construction, composition, discours ou, mieux encore, système de représentation ; elle n'est ni une "copie de la réalité", ni une" fiction" assimilable au roman ou à la poésie, puisqu'elle travaille avec des traces du passé (les documents) et se donne des règles critiques contraignantes.»
Né à Colmar en