On ne saura pas son nom de femme. Et d'ailleurs, quelle femme ? Née de sexe féminin, vingt ans avant la reine Victoria, James Miranda Barry devient garçon à l'âge de 10 ans sans autre opération que celle de l'esprit. A partir de là, «elle» se pense en «il» et c'est James, étudiant rouquin et frêle, qui bâtit sa vie de médecin colonial, célèbre pour l'audace de ses idées hygiénistes et la douceur de ses mains. On ne saura pas non plus si son destin (véridique) fut amer, car l'auteure nous livre peu des états d'âme du travesti. On retiendra seulement que son histoire méritait d'être contée.
En ce début de siècle réactionnaire, une jeune veuve irlandaise aussi belle que désargentée décide d'épargner à son unique rejeton le malheur d'être femme. Elle lui donne trois parrains qui, comme les rois mages, apporteront chacun leur offrande : le nom, l'éducation et l'argent. Le baptême a lieu à l'aube, dans le labyrinthe du domaine d'un riche aristocrate, au milieu de la fumée des cigares. De ce jour, l'enfant «rejoint les hommes». Etudie la chirurgie et les armes. Se bat en duel et contre la malaria, le choléra, la misère. Et aime d'amour une femme qui refusera toujours de l'épouser.
Car Alice Jones, l'amie d'enfance et une des rares à connaître son secret, ne veut pas quitter une destinée de fille de cuisine, tringlée à l'occasion par le maître de maison, pour devenir la «femme du docteur Barry». «Je veux ce que toute femme veut, si elle est honnête avec elle-même. Argent et indépendan