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Libération

Dans la mine de Walser

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publié le 27 février 2003 à 22h43

«Je dois au système du crayon, qui va de pair avec un système de copie parfaitement conséquent, et comme bureaucratique, de véritables tourments, mais cette torture m'a enseigné la patience, en sorte que je suis devenu un artiste dans l'art de patienter. (...) En ce qui concerne l'auteur de ces lignes, il y eut un certain moment, en effet, où il se trouva pris d'une terrible, d'une effroyable aversion pour la plume, un moment où il en fut fatigué à un point que je peux à peine vous décrire, où il devenait tout stupide pour peu qu'il commence seulement à s'en servir, et pour se libérer de ce dégoût de la plume, il se mit à crayonner, à esquisser, à batifoler. (...) Une impuissance, une crampe, un étouffement sont toujours quelque chose de physique et de mental à la fois. Je passai donc par une période de délabrement qui en un sens se refléta dans l'écriture, dans la dissolution de celle-ci, et c'est en recopiant ce que j'avais écrit au crayon que j'ai pu réapprendre à écrire, comme un gosse.»

Dans sa postface au Territoire du crayon, sous-titré Proses des microgrammes, Peter Utz cite cette lettre de 1927. Robert Walser, écrivain suisse allemand, né en 1878 et mort dans la neige le jour de Noël 1955 après avoir été interné depuis 1929, remit à sa soeur en 1937 des textes qu'elle remit elle-même à des exégètes qui n'y attachèrent guère d'importance. Il s'agissait de 526 feuillets divers (enveloppes, cartes de visite...) couverts d'une écriture minuscule qu'on crut d'abord être u