Qu'une disposition à l'étonnement soit la marque des chercheurs talentueux est largement admis, à condition que l'enquête de terrain ne renverse pas les hypothèses de départ, car alors on pourrait les accuser de ne pas avoir pris leur temps, avant ou pendant la recherche. Aussi tout travail novateur doit-il aller contre les lieux communs, voire justifier l'abandon par les experts de leurs propres préjugés. De cette attitude critique, Jacques Donzelot, Catherine Mével et Anne Wyvekens donnent une démonstration exemplaire dans Faire société. La politique de la ville aux Etats-Unis et en France. Sociologues, spécialistes à des titres divers de la question urbaine en France, ils n'étaient pas loin de penser que la politique de la ville en Amérique soit n'existait pas, soit était honteusement «communautaire» par rapport à la nôtre, vertueusement «républicaine». Donzelot, Mével et Wyvekens ont donc décidé d'aller voir de plus près. La comparaison a demandé la mise en place d'un chantier inhabituel pour les moyens mobilisés et pour le temps requis. Il s'est agi en effet non seulement d'étudier les discours dominants d'un côté et de l'autre de l'Atlantique, mais de procéder à de véritables enquêtes de terrain dans des réalités urbaines telles que Marseille, la Seine-Saint-Denis, Boston et Chicago.
Pour comparer, il faut qu'il y ait quelque chose en commun. Nos auteurs le trouvent dans la nature même de la crise urbaine actuelle, en tant que processus d'éloignement, de séparation, voi