Si le vieux Godard fait des films comme il les fait aujourd'hui, pourquoi la jeune littérature serait-elle à son tour en retard, après avoir été si longtemps en avance ? Même si tout le nouveau n'est pas forcément beau, Judith Elbaz fait partie de ces inventrices qui font avancer (un peu) le roman. Evidemment, il y aura des esprits chagrins pour dire qu'il s'agit ici de poésie, car ils auront lu l'unique phrase de la quatrième de couve : «La première indication consistait à ne pas se retourner.» Limitons-nous à l'hypothèse lyrique, mais alors d'un drôle de lyrisme, fait des souvenirs des autres, où les citations se répondent comme dans un opéra justement pardon, un film dudit Godard : à force d'épanchement il n'y a plus de moi.
Or Judith Elbaz n'existe pas, discrète jusqu'à se fondre dans la panoplie de l'écrivain branchée, c'est-à-dire faisant tout sans avoir jamais rien appris, dilettante à distance, ludique, chapeau enfoncé jusqu'au nez, 31 ans nous dit-on nous montre-t-on (www.pol-editeur.fr), «elle vit à Paris, où elle danse et enseigne le tango argentin». Colourful commence sous de sérieux auspices théoriques, si l'on aime la poétique : «Depuis la mort de son père Francis Ponge méprise la photographie parce que les photos de son père ne suivent pas l'état de décomposition de son père mais le montrent avant.» Heureusement, dès la seconde phrase, ça péripète à donf': «Francisp est mort en quatre-vingt-huit à bar-sur-loup. La mère de Raymond Roussel, the next-door neig