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Libération
Critique

Le propre Delaume

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En phrases hachées, nerveuses et volontiers hermétiques, une confession en état-limite.
publié le 27 février 2003 à 22h44

Chloé Delaume, 29 ans, ne peut pas se raconter simplement, puisque son histoire n’est pas simple (destin familial franco-libanais tragique, père tuant la mère devant la fille puis se suicidant, tentatives de suicide multiples). Son troisième livre est une confession adolescente en état-limite et un talentueux ratage, car l’auteur a du coeur à l’oreille. Il commence par ces mots : «Je m’appelle Chloé Delaume. Je suis un personnage de fiction.» Ce personnage a investi le corps de Chloé Delaume en 1999, quand elle a écrit son premier ouvrage, les Mouflettes d’Atropos : la fiction est un cauchemar qui précède et détermine la réalité. Le personnage de fiction évoque donc la femme qu’il investit. Il le fait par phrases hachées, nerveuses, souvent hermétiques, nouées de référence : l’auteure semble braquer un appareil-photo sur des morceaux de souvenirs, poèmes, choses vues ou entendues, chansons populaires remises en italiques ; puis elle les saisit en les flashant à mort. Ensuite, elle assemble ce travail épileptique et le met en musique. Les premières phrases d’un mouvement sont souvent réussies ; les suivantes faiblissent et alourdissent ; elles sentent la jeunesse enivrée de formules et d’obscurité. Comme souvent en poésie : le premier vers s’envole, les autres tombent. Les articles partitifs et les prépositions disparaissent d’entre ou d’avant les mots, pour réapparaître, à la précieuse, quand on ne les attend plus. Les mots défilent sans lien, ou avec d’autres liens, comme d