Protéiforme, rebelle à toute définition, l'hystérie a toujours suscité la curiosité et agacé la raison. Pour ne pas y perdre son latin, celle-ci s'est longtemps contentée de la formule hippocratique : le «tota mulier in utero» enferme toute femme dans l'utérus, toute l'hystérie dans l'utérus, et, en conséquence toute femme dans l'hystérie. Nicole Edelman montre que le XIXe siècle hérite d'une double certitude : l'hystérie est organique, liée aux trépidations de l'utérus, capable de migrer jusqu'au cerveau, elle est de ce fait une spécificité féminine l'hypocondrie pouvant être pensée comme son équivalent masculin toute femme est donc potentiellement hystérique et doit faire l'objet d'une prophylaxie.
Si ce syllogisme est apte à satisfaire la misogynie ambiante, sa simplicité et son inefficacité curative ne conviennent ni à l'obsession nosologique et nosographique du temps ni à l'ambition de la science : aliénistes, neurologues, psychiatres s'emparent au cours du siècle du sujet, s'opposant entre disciplines et entre écoles. Les thèses, en inflation, se focalisent sur l'étiologie du mal, se superposent, désexualisant et resexualisant sans cesse l'hystérie. Maladie de l'utérus et donc exclusivement féminine, elle dénonce une sexualité insatiable, entoure la malade d'un «soupçon d'amoralité» et pose l'orgasme comme voie de guérison. Les partisans d'une causalité neuro-génitale pathologisent au contraire l'orgasme. Vers 1850, la théorie dominante accuse l'encéphale ; dès lors