Fumbatha travaille sur les chantiers. A Bulawayo, «il a construit. Quand il sera mort, ses mains resteront partout». Pour un amour, un corps, est-ce pareil? Au bord de la rivière, l'homme mûr, l'homme aux maintes femmes, rencontre une fille de 15 ans qui nageait là. Désir et déséquilibre: fatigue de la terre et vivacité de l'eau. Elle est sans traces, lui n'est que cicatrices. Phephelaphi est l'innocence même. L'ignorance du monde, de l'histoire: la sienne propre de père inconnu, elle a perdu sa mère et vit chez une «tante» amie de cette dernière et celle de son pays, de ce qui s'appelle alors Rhodésie du Sud, l'actuel Zimbabwe.
La brutalité du pouvoir blanc à l'égard des Noirs, en ces années quarante, est formidable. Phephelaphi n'en sait pas grand-chose. Elle n'est que soif de connaître et d'aimer. A l'heure c'est la même chose. Elle s'installe avec Fumbatha dans leur foyer à une pièce. N'a besoin de rien, puisqu'«il la remplissait d'un espoir plus vaste que la mémoire». En son absence elle attend, et dans l'attente germe un autre désir, obsédant, tel le rythme de la kwela, cette musique dans laquelle baigne le township. Phephelaphi veut «être quelqu'un». Indépendante. Sur la route qui mène à la ville, une femme belle et volontaire avec «des scorpions» dans les yeux. C'est Deliwe qui tient le shebeen, le débit de boisson clandestin. Phephelaphi la suit, ira chez elle plusieurs fois. Les dés du hasard sont pipés: Deliwe a été la maîtresse de Fumbatha. Cette tricherie-là d